Une expérience enrichissante...
Pendant quelques années j'ai vu mon oncle Jeannot devenir un légume dans sa maison de retraite de Bergerac.
Il ne reconnaissait personne et vivait affalé dans un fauteuil en ayant du mal à tenir sa tête.
C'était dans ma mémoire le jeune frère de ma mère : un géant débonnaire qui me faisait sauter au plafond
en riant.. un bon vivant célibataire qui aimait les femmes et les chevaux de course...
déjà, lors d'une rencontre j'avais réalisé son portrait car je sentais son changement..



Ce ne sera que 8 ans aprés l'avoir vu devenir sénile que je ferai le 2° portrait.



Mais en 2012 en janvier brutalement ma mère qui vivait seule a du intégrer l'ehpad de Villeréal.
Côté fermé par un code d'accés. Heureuse de me voir, ne sachant plus trop qui j'étais,
répétant les mêmes mots et les mélangeant.
Je vais donc la voir 2 fois par semaine et je fais connaissance avec les autres pensionnaires :
une douzaine dans la grande salle.

Un, muet, tient toujours son magazine à l'envers. Il a un physique qui me rapelle Popeye.
Aprés avoir pris une photo je fais son portrait sur toile : au crayon et fusain fixé à l'eau
et terminé à l'huile : Jako

Quelle surprise : quand son portrait est terminé il se reconnait, se dit bonjour, caresse les lèvres du tableau en disant qu'il se trouve beau !

Ma mère avait à côté d'elle une dame toujours triste, un jour où elle était moins confuse
j'appris que personne ne venait la voir. J'ai donc fait le portrait de Madame Gardet.
Son tableau a donc été accroché réalisé avec sa veste bleue pâle habituelle
et quelle surprise quand elle m'a regardé en face et m'a dit clairement :
"il va rester quelque chose aprés moi"


J'ai donc réalisé le portrait de Denise Lefebvre :
toujours un air coquin avec ses lunettes sur le bout du nez...

Quand elle regarde son tableau elle se sourit.


Une des pensionnaires, Elsa herpin, pleurait toujours.
A chaque visite elle vient me serrer la main.
Un jour où elle est mieux je lui promets son portrait si elle pleure moins.


Le voisin de ma mère a refusé de poser .
J'ai réalisé le portrait d'une nouvelle pensionnaire, toujours assise et les bras pendants :
elle est contente de se voir : Madame Lavelle.



Enfin un jour de clairvoyance ma mère expliquait que c'était moi qui avais réalisé les portraits
mais que le sien n'y était pas.
Ma mère au prénom que j'aime : Marie-Estelle mais dite Germaine, les parents avaient nommé leurs enfants : Esther, Estève, Estelle d'où le changement de prénom usuel, le 4° enfant, le célibataire se fut Jeannot !
Pour son portrait j'ai choisi un moment de gaieté pour garder en mémoire son sourire.

Actuellement ?
Ils s'y sont habitués et aiment se regarder.
Mme Gardet est décédée mais je garderai son portrait : celui d'une dame triste dont le portrait restera...